Située aux portes de l’Union Européenne, la Moldavie est, de par sa position géographique, un candidat légitime et sérieux à l’intégration dans l’Union. La question de l’Europe est omniprésente ici.
A côté des drapeaux de la Moldavie et de la ville de Chişinău, flottant au dessus des rues pour la fête de la ville jeudi dernier, étaient apposés des drapeaux de l’Union Européenne. Il n’est pas rare de voir la bannière aux douze étoiles en Moldavie, preuve que l’intégration dans l’Union Européenne est une volonté forte pour les autorités moldaves.
Cette éventualité déchaîne les passions, divise le pays et mène à deux types d’extrémismes, avec au cœur du conflit une nouvelle fois, la langue. D’un côté, les pro-russes, qui voient la Moldavie comme une partie de la Russie et refusent de parler Roumain. De l’autre côté, les pro-européens qui militent pour l’accession dans l’Union et voient les Russes vivant en Moldavie comme des envahisseurs peu respectueux de la culture moldave. Une étudiante m’a expliqué que de plus en plus de jeunes Moldaves refusent d’apprendre le russe, pourtant seconde langue du pays et parlée par une grande majorité des moldaves. « C’est un moyen de se rebeller, mais c’est dommage : si tu lis Dostoïevski par exemple, c’est ridicule de le lire en roumain ».
L’accession à l’Union Européenne n’est en tous cas pas de l’ordre de la fiction : à en croire wikipédia (désolé pour la source), plus de 65% des moldaves seraient pour l’intégration dans l’Union. Bruxelles voit en tous cas la Moldavie comme un candidat potentiel. A condition que le pays règle le conflit avec la Transnistrie, qui déchire le pays depuis bientôt 20 ans.
« La Moldavie est un pays Rock’n’Roll : il y a une région qui a fait sécession », m’expliquait un volontaire peu de temps après notre arrivée ici. « Rock’n’Roll» : je trouve que ça définit bien le conflit avec la Transnistrie. A première vue, il semble juste folklorique et éphémère mais en fait, ce conflit est bien réel et très profond.
L’Union Européenne n’envisage en tous cas pas du tout l’accession d’un pays avec une région sécessionniste. La Moldavie doit donc régler son conflit interne avant de prétendre entrer dans l’Union Européenne.
Et les choses vont peut-être commencer à se débloquer la semaine prochaine. Les instances européennes et russes vont se rencontrer pour trouver de nouvelles solutions au conflit. Entre autre, la nouveauté pourrait être que l’Union Européenne et les Etats-Unis deviennent médiateurs du conflit en Transnistrie (jusqu’ici, les deux n’étaient qu’observateurs). Peut-être un bon moyen de relancer les négociations, gelées depuis février 2006.
Dans le même temps, l’Europe tente de suggérer à la Russie d’arrêter de soutenir la Transnistrie. Mais l’affaire n’est pas gagnée : Moscou voit en effet d’un très mauvais œil l’installation d’instances européennes en Transnistrie. Officiellement, la Russie tient cette position par crainte que la Moldavie soit annexée à la Roumanie dans l’éventualité où la Transnistrie devienne moldave. Mais il existe sans doutes une autre raison : la région Transnistrienne, vaste zone de non droit ouverte aux trafics en tous genres en arrange beaucoup en Russie, en Ukraine et en Moldavie ( pour plus de détails à ce sujet, lisez cet article, un peu ancien mais bien détaillé).
Dans tous les cas, un changement de statut de la région séparatiste n’est pas envisagé par Vladimir Iastrebtchak, le chef de la diplomatie transnistrienne. Les choses ne risquent donc pas de changer du jour au lendemain.
Une très mauvaise chose, je pense. De ce que je comprend depuis Chişinău, le conflit transnistrien est une réelle source de lassitude et de désespoir pour une grande partie des Moldaves. Tant que Tiraspol continuera à se la jouer perso, les choses ne pourront pas s’améliorer. Tant que la Transnistrie reste la plaque tournante du trafic d’arme, l’image de la Moldavie sera mauvaise.
Est-ce que on ne pourrait pas se dire que le problème est aussi tout simplement, (comme le dit au passage l'article signalé en lien sur le site de l'International Crisis group) que les Russes "perçoivent encore la Moldavie comme appartenant à la sphère géopolitique d'influence russe" (un peu comme pour la Géorgie, où l'Ossétie du Sud, séparatiste et russophone comme la Transnistrie sert de prétexte à Moscou pour maintenir son influence, entre autres par une présence militaire). Staline a déporté des Russes de Sibérie en Transnistrie (cf le compte rendu du livre de Nicolaï Lilin, "Urkas", dans Le monde du 4 septembre 2010) pour "russifier" ces régions aux marges de l'Empire comme il l'a fait dans le Caucase. La crise est moins aiguë en Moldavie qu'en Géorgie parce qu'il y a moins d'enjeux stratégiques, mais on peut se demander, dans le cas contraire, si Moscou ne mettrait pas un peu plus son grain de sel dans les affaires moldaves, au lieu de se contenter de jouer un double jeu comme il (Moscou) le fait actuellement. Car on a quand même l'impression que la Moldavie, et l'Europe se font mener en bateau dans cette histoire.
RépondreSupprimerEst-ce que la soi-disant crainte des Russes que la Moldavie soit annexée à la Roumanie est vraiment fondée ? Qu'est-ce qui se dit là dessus à Chisinau ?
En Moldavie il y a un réel problème de langue....Mais, s'il est ridicule de lire Dostoïevskii en roumain, il est tout aussi ridicule de lire Eminescu en russe!
RépondreSupprimerCertain roumanophones pêut-être refusent d'apprendre le russe, mais je pense, par ailleurs, que vous avez oublié de noter le manque de volonté des russophones d'apprendre le roumain...Le roumain étant la prmière langue du pays.
Il est bien sûr évident que le manque de volonté d'apprendre le roumain de la part de beaucoup de russophones est un réel problème. A ce sujet vous pouvez écoutez notre podcast sur la question de la langue :
RépondreSupprimerhttp://enmoldaquoi.blogspot.com/2011/02/voici-un-nouveau-podcast-que-nous-avons.html